La fonction publique territoriale regorge de métiers particuliers, originaux ou encore spécifiques en fonction des différentes filières. Le CdG62 vous emmène à la découverte de ces métiers méconnus, inconnus voire insoupçonnés du grand public.
Ce mois-ci, en lien avec l’actualité culturelle des Journées Européennes du Patrimoine, le CdG62 vous propose de découvrir un métier original : médiateur patrimoine et jardins en allant à la rencontre de Christine Mayeur à la Cité des électriciens à Bruay-la-Buissière.
Echange avec Christine MAYEUR, médiatrice patrimoine & jardins - référente vie littéraire
[Connect] : Bonjour Christine, quel est votre parcours ?
Christine Mayeur : J’ai un parcours que je qualifierais de peu conventionnel. En ce qui me concerne, en début de carrière, j’ai passé le concours dénommé Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Bibliothécaire (CAFB), puis au fil du temps je suis devenue assistante qualifiéede conservation du patrimoine et des bibliothèques.
J’ai commencé à la ville de Bruay-la-Buissière en 1984 au moment où a été créée la bibliothèque du centre-ville. J’y ai travaillé pendant 28 ans en secteur jeunesse puis avec la double casquette livres d’art. Ensuite j’ai basculé, au sein du service culturel de la ville, sur des missions en rapport avec l’environnement et sur l’accueil de résidences d’artistes dans des lieux « atypiques », notamment à la cité des électriciens.
En parallèle, je me suis personnellement investie au sein d’une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) à travers laquelle j’ai pu me former au maraîchage en bio, au bien manger local et de saison, à la mise en valeur d’un site agricole et à la création d’ateliers pédagogiques, etc…
Par la suite, j’ai donc naturellement postulé sur l’emploi de jardinière-médiatrice qui était proposé par l’agglo Béthune-Bruay sur la Cité des électriciens. C’était pour moi une évidence, dans la mesure où j’intervenais déjà sur le site avec des artistes avec des ateliers-jardinage avec des scolaires etc…
Enfin, j’ai demandé à être détachée de la communauté d’agglomération et je suis devenue Médiatrice Patrimoine & Jardins - Référente Vie littéraire pour l’EPCC (Établissement Public de Coopération Culturelle) Cité des électriciens
[Connect] : Comment devient-on médiateur du patrimoine ?
C. M. : De nos jours les personnes qui travaillent dans la branche patrimoine de la filière culturelle de la fonction publique territoriale sont plutôt des gens qui ont d’abord fait des études d’histoire, de tourisme en rapport avec le patrimoine puis qui ont passé les concours de la filière, comme c’est le cas pour mes « jeunes » collègues. Mais un urbaniste pourrait tout à fait vous parler des aménagements des cités minières et de l’architecture des lieux.
L’expérience personnelle est souvent très profitable et influence beaucoup vos choix. À titre personnel, mon expérience en bibliothèque ou avec les artistes et mes recherches historiques liées à la Cité des électriciens m’ont permis d’acquérir une connaissance importante du lieu. Je peux donc facilement partager cela avec les visiteurs. Cela me permet aussi de proposer et de programmer des actions en lien avec l’histoire des cités minières en général, adaptées aux attentes des habitants, des visiteurs.
[Connect] : En quoi consiste votre métier ?
C. M. : Naturellement, mon métier a évolué au fil du temps. Au début, la cité n’était alors qu’une friche, où ne restaient que 3 habitants. À cette période, le but était de monter des projets sur le long terme avec des jeunes plutôt en réinsertion sociale. Ils venaient jardiner sur la cité et rencontrer des artistes afin de créer des actions relativement pérennes.
Ensuite, pendant la période de réhabilitation de la cité, en plus du travail avec les artistes et les projets, je faisais avant tout en sorte de préserver la faune et la flore locale. Ça n’a pas toujours été simple, car les ouvriers n’avaient pas conscience de l’importance des jardins de cette cité minière. Certaines espèces y était protégées, d’autres étaient arrivées là avec le brassage des cultures et des populations étrangères des mines, il était donc primordial d’en conserver la trace. C’est notamment ce que nous avons fait avec Gilles Bruni, l’artiste qui a été en résidence sur le site à plusieurs reprises à travers diverses créations artistiques encore visibles dans un carin du site et plus particulièrement l’inventaire des plantes réalisé sur une année. Finalement, le paysagiste en charge de la réimplantation des jardins de la cité s’en est un peu inspiré pour l’aménagement des espaces verts décoratifs.
Pendant les travaux de réhabilitation de la cité, les ateliers et des animations ont continué sur place afin que la population locale puisse s’approprier le devenir de la cité et changer son regard sur celle-ci. Ce principe participatif est d’ailleurs un de nos leitmotiv, puisque nous réalisons régulièrement des activités avec jeunes, familles, habitants, élèves pour qu’ils révèlent leur sens créatif et qu’ils puissent être fiers de ce qu’ils produisent, à tout âge.
En ce qui concerne les visites guidées que j’anime, elles sont plutôt axées sur les jardins, sur l’aspect historique des lieux et de la vie de ses anciens habitants ainsi que sur certaines présences artistiques que j’ai eu l’occasion d’accompagner. Mais pour les visites du site en général notre objectif est de montrer aux visiteurs comment vivaient les habitants afin qu’ils prennent conscience de certains aspects typiques des mines (les commodités, la superficie, les habitudes…).
Enfin, en tant que référente vie littéraire, je suis aussi chargée de l’accueil d’auteurs, de leur mise en relation avec des archives et un public, de la conception de mini-expositions photos accompagnant les soirées-rencontre-lecture avec les écrivains (expositions qui deviennent itinérantes).
À tout cela il ne faut pas oublier les impératifs de la saisonnalité des jardins (la préparation de la terre, les semis, l’entretien, la récolte), la nature n’attend pas.
[Connect] : Quel est l’impact des Journées Européennes du Patrimoine (JEP) sur votre travail ?
C. M. : Les JEP, c’est un travail complémentaire. Il y a généralement du montage d’expositions, la présentation du travail des résidences d’artistes, c’est aussi un temps fort ou on change un peu le contenu de ce qui est présenté habituellement… C’est une sorte de « fil rouge » qui va aller et venir de temps à autre en plus des activités journalières.
Pour être présenté au public le jour J, une exposition, un événement ou tout autre projet nécessitent un gros travail de préparation en amont. Nous avons, en général, six mois à une année d’avance sur le programme proposé. À titre d’exemple, pour l’exposition « Monument aux cent visages », l’exposition des canevas de mineurs commercialisés entre 1960 et 1980, qui sera présentée au public à partir des JEP, cela fait environ un an que nous travaillons dessus. Il fallait lancer l’appel à participation suffisamment tôt pour laisser le temps aux familles (prêteur ou donateur) de nous faire parvenir les canevas.
Ensuite il nous fallait le temps de les préparer ou de les restaurer à minima et enfin il faut pouvoir les installer. Cela doit pouvoir se faire assez tôt avant le vernissage pour que tout soit prêt le moment venu sans pour autant bloquer les espaces trop longtemps avant afin de ne pas perturber outre mesure les accès du public. Tout est question de timing et d’agenda, tout doit être réglé au millimètre. Cela provoque un peu de stress, qui va crescendo à mesure que le rendez-vous approche. Cela donne également une certaine excitation, une forme d’impatience, d’être en attente de savoir comment vont réagir les premiers visiteurs et surtout les gens qui nous ont fait l’honneur de nous prêter leurs canevas. Nous avons hâte de voir leurs réactions.
Mais les autres activités continuent également, il faut donc savoir jongler habilement entre les tâches quotidiennes et activités occasionnelles c’est un savant dosage… on n’a pas le temps de s’ennuyer. Les JEP ont aussi un effet « dopant » sur le nombre de visiteurs, de par la gratuité et la diversité des actions proposées.
Les journées du Patrimoine à la Cité des électriciens : samedi 16 et dimanche 17 septembre 2023
- Bercail : Performance artistique de la compagnie La barque
- Monument aux cent visages : Installation de plus d’une centaine de canevas de mineur.
- Jouer avec le feu : Exposition de l’artiste Bullygeois Édouard Pignon, ami intime de Pablo Picasso.
- Petites et grandes histoires de la cité : Visite guidée de la Cité des électriciens.
Plus d’informations, horaires et programme complet sur www.citedeselectriciens.fr/
Remerciements à Sabrina Hadid et Christine Mayeur de l’EPCC Cité des électriciens.