Prise en application de l’ordonnance Santé et Famille du 25 novembre 2020 sur le fondement de la loi de transformation de la fonction publique, cette réforme institue, à compter du 1er février 2022 le conseil médical. Une instance médicale unique se substitue désormais aux comités médicaux et commissions de réforme, entérinée par le décret 2022-350 du 11 mars 2022.
Dans les grandes lignes, le fonctionnement général reste quasi identique avec un conseil médical qui se réunira selon les cas de saisines en deux modalités, en formation restreinte, compétente pour les maladies non professionnelles exclusivement composée de médecins désignés par le Préfet et en formation plénière élargie aux représentants de l’administration et du personnel intervenant en matière d’accidents du travail, de maladie professionnelle et d’invalidité.
Du point de vue fonctionnel néanmoins, le décret renvoie la charge du contrôle médical à l’autorité territoriale, et non plus au Conseil médical comme c’était le cas auparavant. Le Conseil Médical en formation restreinte reprenant un rôle simple d’instance consultative.
En ce qui concerne la formation plénière, le changement notoire réside dans la règle du quorum, qui peut être atteint sans la participation des représentants des collectivités, au risque d’être interprété comme une dépréciation de leur rôle. Aussi, la présidence en formation plénière est assurée par un des médecins siégeant avec voix prépondérante et il n’existe plus de présence obligatoire d’un médecin spécialiste, ce qui pouvait engendrer des situations de blocages.
Mme Véronique Dumont-Deseigne, vice-Présidente du CdG62 et Mme Marie-Thérèse Rojewski, administratrice, siégeant au sein du conseil médical - formation plénière - en qualité de représentantes des collectivités, ainsi que Monsieur Francis Cordonnier, membre du Conseil d’administration, ancien Président de la Commission de réforme nous livrent leurs impressions.
- M. Francis CORDONNIER
CdG62 [Connect] : Monsieur Cordonnier, en début de mandat vous vous étiez porté volontaire pour la présidence de la commission de réforme qui revient désormais à un médecin agréé. Quel est votre ressenti par rapport à ce changement ?
Francis Cordonnier : L'intérêt de candidater était pour moi une possibilité d'apporter mon expertise sur les aspects accidents de travail pour le privé ou accidents de service pour les collectivités ainsi que pour les maladies professionnelles, ayant été durant toute ma carrière professionnelle Responsable Hygiène Sécurité sur des sites industriels et mes douze dernières années chez un major de l'intérim comme Responsable Régional Prévention Sécurité couvrant 10 départements (Hauts-de-France et la région Normandie). D'ailleurs dans ma délégation en tant qu'adjoint au Maire, je préside le CHSCT. Donc une bonne vision du terrain, des postes de travail et des problématiques physiques et psychologiques. Le médecin agréé présidant la Commission de Réforme dorénavant axera sa décision je pense sur l’aspect médical de la pathologie de l'agent, mais qui ne serait peut-être pas toujours lié à l'activité professionnelle.
- Mme Véronique DUMONT-DESEIGNE
- Mme Marie-Thérèse ROJEWSKI
CdG62 [Connect] : Mme Dumont-Deseigne, la rationalisation et la simplification déterminent l’esprit de cette réforme dans le but de faciliter la prise en charge des agents territoriaux. C’est-à-dire ?
Véronique Dumont-Deseigne : Le constat est le suivant : les instances peinent à se réunir en raison de la pénurie de médecins, ce qui est préjudiciable aux agents, souvent fragilisés de par leur état de santé comme sur le plan financier. Afin d'accélérer le traitement des demandes, le décret procède donc à un allégement des cas de saisine des conseils médicaux… attribution ou prolongation des Congés Maladie Ordinaire qui au-delà des 6 mois ne nécessitent plus l’avis du Conseil médical. En outre, il n’existe plus de saisine automatique pour chaque renouvellement Congé Longue Maladie ou Congé Longue Durée, ce qui constitue un gain de temps.
À noter pour la formation plénière, au sein de laquelle je siège, la suppression de la saisine pour l’Allocation d’Invalidité Temporaire qui est devenue la seule prérogative de la CPAM.
CdG62 [Connect] : La réforme place l’autorité territoriale au cœur de la procédure, qui sera davantage sollicitée, une charge supplémentaire pour la collectivité donc ?
V. D-D : En effet, il lui appartient de diligenter les contrôles médicaux après 6 mois d’arrêts consécutifs et d’informer l’agent de ses rendez-vous d’expertise par lettre recommandée, et, ce dans le respect de toute la confidentialité liée au secret médical. La saisine du conseil médical se fait à l’initiative de la collectivité ou à la demande de l’agent, dans ce dernier cas, la collectivité dispose de trois semaines pour transmettre la requête de l’agent au secrétariat de cette instance. Ce changement de pratique implique pour l’autorité territoriale vigilance et responsabilité.
Marie-Thérèse Rojewski : Cela me parait paradoxal que d’un côté on retire aux représentants de l’administration des prérogatives et que d’un autre l’autorité territoriale soit soumise à plus de contrôle faisant peser sur elle davantage de responsabilité.
CdG62 [Connect] : Quels sont les moyens pour l’employeur de faire entendre sa voix en séance ? Peut-il vous solliciter ?
V. D-D : Bien sûr, cette possibilité s’offre à chaque employeur dont l’agent passe en conseil médical. Chaque avis compte, chaque avis est important pour fonder la meilleure décision qui soit et c’est d’autant plus vrai qu’il m’apparaît pertinent de recueillir l’avis de la collectivité sur l’agent du point de vue RH.
M-T R. : Oui en effet, cela reste une possibilité qui lui est donnée, cela étant, je reste très partagée par rapport aux impacts induits par la réforme sur le rôle accordé aux élus, en leur qualité de représentants des collectivités : Un rôle amoindri du fait de la nouvelle composition avec une règle du quorum qui ne nécessite plus leur présence. C’est un point de vigilance dans la mesure où l’ancienne formation était davantage équilibrée.
CdG62 [Connect] : Quel bilan pouvez-vous tirer de par votre expérience au sein de cette instance sur les relations professionnelles dans la fonction publique territoriale ?
V. D-D : C’est indéniablement une expérience enrichissante, et en écho à ma précédente réponse, je pense que tout l’intérêt repose dans l’écoute active, je dirais même interactive de l’ensemble des représentants du monde médical, des employeurs et syndical. Sur la base du dialogue, chacun expose son point de vue. Le questionnement des uns amène un éclairage pour d’autres, et c’est ainsi qu’on trouve un terrain d’entente. C’est constructif.
CdG62 [Connect] : Quels supports d’accompagnement seront mis à disposition des employeurs des agents pour s’approprier la réforme ?
V. D-D : Un webinaire dédié à la réforme est disponible sur la chaîne de webinaires du centre de gestion, je vous invite à le revoir en replay. Un point sur le sujet est également fait lors des Rencontres de territoire que nous animons sur l’ensemble des arrondissements du Pas-de-Calais et notre service de santé élabore une guide de bonnes pratiques à destination des médecins agréés. D’autres informations telles que l’analyse du décret est aussi disponible sur le site internet du CdG62. Enfin les agents du secrétariat du conseil médical se tiennent à la disposition des collectivités et établissements publics pour les aider dans leurs démarches et pour les conseiller au mieux, n’hésitez pas à les solliciter.